Un employeur ne peut remettre en cause la candidature d’un salarié au CSE, seulement dans un cadre précis
A travers ses nombreuses dispositions, le code du travail protège différents types de salariés, en leur appliquant des dispositions particulières. Parmi ces salariés « protégés », l’on trouve les représentants du personnel au CSE, qui du fait de leurs fonctions représentatives s’exposent dans l’entreprise. Cependant, si les élus bénéficient d’une protection spéciale, du fait de cette exposition auprès de l’employeur, il en est également de même pour les salariés qui se portent candidats lors des élections professionnelles, même s’ils n’ont pas été élus.
La protection du candidat aux élections professionnelles :
L’article L2411-7 du code travail dispose que « l’autorisation de licenciements est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidature. La durée de six mois court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature de l’employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement ».
Dès lors, à partir du moment où il se porte candidat aux élections professionnelles, le salarié concerné bénéficie d’une protection spéciale contre le licenciement, qui sera difficile à remettre en cause par l’employeur.
C’est ce à quoi a dû faire face un salarié, dans l’arrêt du 18 octobre 2023, n°22-11.339.
Une suspicion de manipulation de la protection spéciale du candidat aux élections professionnelles :
Dans les faits de l’espèce, un salarié s’était porté candidat aux élections professionnelles de son entreprise la veille de la réception d’un courrier de convocation à un entretien préalable à licenciement. Peu de temps après, l’employeur a fait le choix de licencier ce même salarié.
De ce fait, le salarié concerné avait décidé de remettre en cause le licenciement qu’il avait subi. Dans, son raisonnement, l’employeur ne pouvait pas le licencier sans obtenir au préalable l’autorisation de l’inspection du travail, puisque du fait de sa candidature, celui-ci bénéficiait d’une protection spéciale.
De son coté, l’employeur prétendait que la candidature du salarié résultait d’une manipulation de sa part, afin de bénéficier du statut protecteur pour éviter le licenciement. Pour lui, il n’avait aucune réelle intention de devenir un membre de la délégation du personnel au CSE, son seul objectif était d’éviter le licenciement.
Ici, les juges du fond avaient statué en faveur de l’employeur. En effet, ils avaient estimé que le salarié ne pouvait pas revendiquer la protection en raison de la présentation de sa candidature peu de temps avant la rédaction du protocole d’accord préélectoral. Ils avaient également relevé que le salarié s’était déclaré candidat dans le seul but de se protéger avant une éventuelle rupture de son contrat de travail ?
Peu importe la raison, le candidat est protégé si la candidature aux élections est valide :
Dans le cas qui s’est présenté devant la chambre sociale de la Cour de Cassation, l’employeur avait soupçonné une candidature frauduleuse, mais il ne l’avait pas contesté conformément aux dispositions légales en vigueur.
En effet, l’article R2324-24 du code du travail permet à l’employeur, dans un délai de 15 jours suivant l’élection ou la désignation, de contester la régularité de la candidature, notamment s’il pense que celle-ci est frauduleuse et n’a pour seul but d’échapper à un licenciement.
Ainsi, un employeur est tout à fait en droit de contester la candidature d’un salarié, néanmoins, s’il entend la contester, il doit le faire dans le respect des dispositions légales en vigueur. S’agissant d’une contestation relatives aux opérations électorales et à leur régularité, le délai laissé à l’employeur, s’il entend contester, est de 15 jours. S’il ne le fait pas, il ne peut pas s’appuyer sur l’existence d’une manœuvre frauduleuse pour écarter la protection spéciale contre le licenciement dont bénéficie le salarié-candidat.
C’est donc ce qu’a rappelé la Cour de Cassation dans son arrêt du 18 octobre 2023. Si l’employeur avait voulu contester la candidature du salarié, il aurait dû le faire dans le délai de forclusion de 15 jours. Sans respect de ce délai, le salarié peut alors bénéficier de la protection spéciale du salarié-candidat.
[Cass. Soc. 18 octobre 2023, n°22-11.339]