Des attestations anonymisées, c’est-à-dire dont on a masqué l’identité de l’auteur, ne sont pas pour autant « anonymes ». Cette différenciation est d’une importance capitale dans la mesure où, pour la Cour de cassation, ces témoignages anonymisés peuvent constituer des moyens de preuve.
Une demande d’expertise pour « risque grave » :
Dans les faits présentés dans cette affaire, un CSE avait décidé de recourir à une expertise pour risque grave en raison de la dégradation des conditions de travail engendrée par la forte pression qui pesait sur les chargés d’affaires.
A sujet, l’article L2315-94 du code du travail consacre la possibilité pour un CSE d’avoir recours à une expertise, notamment lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l’établissement.
Des témoignages d’abord écartés :
Pour démontrer l’existence de risques grave, le CSE avait produit devant le tribunal des attestations anonymisées, démontrant une altération des conditions de travail des salariés chargés d’affaires, s’illustrant par une surcharge de travail, des moyens professionnels défaillants et inadéquats et une pression managérial constante dans un climat de tensions.
Or, l’employeur entendait ici contester la légitimité de l’expertise demandé par le CSE, et fondée sur ces témoignages anonymisés.
En première instance, le tribunal judiciaire avait écarté ces témoignages anonymisés aux motifs qu’ils n’avaient pas été débattus contradictoirement. Pour l’employeur, ces attestations ne permettaient pas de vérifier si ces témoignages émanaient de salariés chargés d’affaires.
Le contradictoire :
Le principe du contradictoire impose que les parties à un procès se fassent connaitre mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuves qu’elles produisent et les moyens de droits qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
Dans l’affaire présentée, le CSE faisait valoir qu’il existait un risque de représailles envers les témoins, et que les témoignages étaient corroborés par d’autres éléments probant. De plus, le CSE avait transmis au tribunal, et à lui seul, les informations permettant d’identifier les témoins et de les relier à leurs attestations.
Infirmation de la décision du tribunal :
Ici, les juges de la Cour de cassation n’ont pas confirmé la décision du tribunal judiciaire. La Cour rappel qu’un juge peut prendre en considération les témoignages anonymisés à la double condition :
- Qu’ils aient été rendus anonymes à postériori afin de protéger leurs auteurs, dont l’identité est néanmoins connue de la partie qui produit les témoignage
- Qu’ils soient corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence
Dans cette affaire, le tribunal aurait du prendre en compte ces témoignages dans la mesure où le CSE les avait anonymisés pour protéger les témoins de représailles et qu’il les avait étayés par d’autre éléments.
Cour de cassation, chambre sociale 11 décembre 2024, n°23-15.154